En cette année où la ville de Caen célèbre son millénaire, il est intéressant de rappeler qu’à cette même époque vivait un chevalier nommé Grimoult. Ce dernier a laissé son empreinte dans l’histoire du Pays de Vire, donnant son nom au village du Plessis-Grimoult.

Mais pourquoi ce village a-t-il pris le nom de ce chevalier ?

Au 11e siècle, un chevalier du nom de Grimoult habitait ce lieu, dans un château aujourd’hui disparu. Un village fortifié s’est développé autour de sa résidence. Au Moyen Âge, les villages fortifiés étaient appelés des « plessis », ce qui explique le nom : Le Plessis-Grimoult.

L’« honneur » du Plessis-Grimoult

Dès l’époque gallo-romaine, le territoire du Plessis-Grimoult était un carrefour stratégique, notamment grâce aux routes reliant Bayeux à Condé-sur-Noireau ainsi que Vieux à Jublains (Mayenne) et Avranches (Manche). Un camp romain y était installé, occupé par des légionnaires chargés de contrôler ce secteur au trafic important.

Au Moyen Âge, ces axes restent essentiels et la région devient un centre économique où l’on extrait du minerai de fer, de la pierre, du bois et de la bourbe noire (argile noire).

À la fin du 10e siècle, l’évêque de Bayeux confie, à un mercenaire nommé Grimoult ou Grimoald, un vaste territoire de 10 600 hectares comprenant douze paroisses. Sa mission est de défendre ces terres contre les pillages de seigneurs locaux hostiles à l’Église. Grimoult érige son château au centre de son fief, dans l’actuel village du Plessis-Grimoult. Ce fief s’appelle un « honneur ». Grimoult installe un château au cœur de son domaine et une agglomération est elle aussi fortifiée dans l’actuel village.

Une troisième ligne de défense est installée aux frontières de l’honneur, avec de petites mottes artificielles surmontées de tours de guet à Saint-Jean-le-Blanc, Ondefontaine, Campandré-Valcongrain, Danvou-la-Ferrière, Montchauvet et Brémoy.

Qui était Grimoult ?

Peu d’informations nous sont parvenues sur Grimoult, bien qu’il ait été un puissant seigneur. Il ne fréquente pas la cour du duc de Normandie, ce qui laisse penser qu’il ne serait pas d’origine noble.

En 1046, il participe à un complot contre le jeune duc Guillaume (futur Guillaume le Conquérant). Avec d’autres barons, il tente de l’assassiner à Valognes, mais celui-ci échappe de justesse au piège grâce à un serviteur nommé « Gole ». L’année suivante, Guillaume, soutenu par le roi de France Henri Ier, écrase les rebelles lors de la bataille du Val-ès-Dunes, à l’est de Caen. Grimoult est capturé et enfermé à Rouen, où il meurt vers 1074, enterré avec des fers aux pieds. Contrairement aux autres conjurés qui retrouvent leurs biens, son honneur est confisqué et rendu à l’évêque de Bayeux, Odon.

Pourquoi un tel sort lui est-il réservé ? Probablement parce qu’il avait la mission d’assassiner Guillaume à Valognes, d’où la rancœur du duc à son encontre.

Le château disparu

Des fouilles menées entre 1967 et 1971 par l’archéologue Élisabeth Zadora-Rio ont permis de mieux connaître le château de Grimoult. Le site, occupé du 10e au 11e siècle, a révélé divers objets :

  • tessons de pots en céramique, vaisselle, coupelles et chandeliers
  • objets métalliques essentiellement en fer : éperons, fers de cheval, pointes de flèches, carreaux d’arbalète, clefs et armes diverses

Il y a eu plusieurs phases d’occupation du site, autour de l’an 1000, le site n’était presque pas protégé. Il n’y avait pas d’enceinte en pierre, peut-être une palissade en bois. Pendant la minorité de Guillaume (1035-1047), la Normandie est secouée par une guerre civile, le château devient une véritable forteresse avec une enceinte en pierre et une tour porche accessible par un pont levis.

Presque mille ans après, il ne subsiste quasiment rien, le paysage conserve les stigmates de cette forteresse. Il subsiste un morceau de mur, où on peut voir les moellons de schiste disposés en arête de poisson, le tout tenu par du mortier.

Le village au temps de Grimoult

Le village qui s’est formé à côté du château était également fortifié, protégé par un rempart de terre ou par une palissade en bois. L’église paroissiale se trouvait au centre. L’axe reliant Condé-sur-Noireau à Aunay-sur-Odon traversait ce village fortifié. Il devait ainsi y avoir plusieurs portes d’entrées.

Après Grimoult

Après la chute de Grimoult, le bourg se développe à l’extérieur des remparts, avec la création d’un marché et d’une foire. Il n’y aura plus jamais de seigneur résident au château. Au 12e siècle, une communauté de chanoines s’installe dans le village avant de déménager un kilomètre plus loin à l’ouest du village.

Qu’est-ce qu’un chanoine ? Un religieux vivant en communauté, sous la Règle de saint Augustin, et voué au service d’une église.

Son domaine est ensuite morcelé en plusieurs petites seigneuries, confiées à des chevaliers.

Conclusion

Ainsi, à l’époque où Caen voyait le jour, le Plessis-Grimoult était un centre stratégique aux confins de la Normandie. Son histoire, marquée par la figure de Grimoult et son destin tragique, témoigne du rôle clé de ce territoire dans les luttes de pouvoir du XIe siècle.

Aujourd’hui, bien que le château ait disparu, le village conserve les traces de son passé médiéval. Un lieu à redécouvrir dans le cadre de la randonnée 33 – Le Mont Pinçon.

Article publié le lundi 24 mars 2025